2.1 : Qu’est-ce que le PIB ?
2. Un peu d'histoire
Commençons par un peu d’histoire : pour comprendre ce qu’est le PIB, il est utile de remonter à sa création. En 1931, alors que les conséquences du choc économique de 1929 sont manifestes, le Congrès des Etats-Unis charge l’économiste Simon Kuznets (1901-1985 et « prix Nobel » en 1971) de créer un indicateur permettant de mesurer l’activité économique dans son ensemble. [1] En effet, à l’époque, si des indicateurs sectoriels de l’activité économique existaient déjà (la production minière, la production d’acier, la production agricole, etc.) il n’en existait aucun de « général ». Or, lorsqu’une crise survient (comme après 1929), on peut souhaiter mesurer l’impact de cette crise sur l’ensemble de l’économie et non pas sur un secteur particulier. De même, lorsque l’on met en place une politique publique (afin de relancer l’activité économique par exemple) on peut souhaiter connaître son impact sur l’activité « en général » et non pas sur un (ou plusieurs) secteur(s) particulier(s).
Kuznets cherche donc à créer un tel indicateur de l’activité économique : le PIB. On peut donc d’ores et déjà remarquer que le Congrès des Etats-Unis souhaitait définir un indicateur d’activité. Ce n’est donc pas un indicateur de « richesse » (mais plutôt de « revenu ») [2] et encore moins de « bien-être ». Un point sur lequel Kuznet insiste dès ses premiers travaux et sur lequel nous reviendrons. Au-delà de ce premier travail, deux autres travaux abordent cette question du « revenu national » et vont inventer un moyen de le mesurer.
- En premier lieu, et comme développé dans le
chapitre 1, la Theorie Générale
(1936)
de John Maynard Keynes va révolutionner la façon de penser la
macroéconomie.
Cet ouvrage est d’autant plus important que Keynes va participer aux
travaux
cherchant à mesurer le revenu national et pour mettre au point un
système de
comptabilité national en Angleterre (l’un des objectifs de la
comptabilité
nationale est justement de mesurer le « revenu national » et donc le
PIB). De nombreux économistes d’inspiration Keynésiennes participèrent
également
à la création de ces systèmes dans leurs pays respectifs, comme par
exemple Jan
Tinbergen (déjà évoqué au chapitre 1) qui y contribua au Pays-Bas. Ce
point
n’est pas anodin : les catégories utilisées par la macroéconomie
keynésienne et ceux de la comptabilité nationale sont les mêmes. Ceci
permet de
disposer de mesures précises des grandeurs économiques (revenu,
consommation,
investissement, etc.) qui sont au cœur de la macroéconomie.
- En second lieu, il est difficile d’ignorer Wassily Leontief (1906-1999 ; « prix Nobel » en 1973) qui, dans une série de travaux (« Quantitative Input and Output Relations in the Economic System of the United States » et «The Structure of the American Economy »), imagine le Tableau Entrée Sortie. Ce tableau, qui présente l’économie par « branches » et par « produits » (construction, industrie, agricultures, etc.) et décrit comment ceux-ci sont produits et utilisés par l’économie nationale est une pièce essentielle de la Comptabilité Nationale, même si nous en discuterons peu dans ce cours.
[1] Kuznets s’intéressait déjà à ces questions ; d’où le choix du Congrès. Par ailleurs, un économiste anglais, Colin Clark (1905-1989) est aussi un des pionniers de la mesure du revenu national.
[2] On peut expliciter la différence en considérant un individu : le revenu d’un individu est ce qu’il gagne durant une période de temps donnée, par exemple un mois ou une année. En économie, on va parler de « flux ». Sa richesse, au contraire, est un « stock ». Il s’agit de l’inventaire de tout ce qu’il possède et a pu accumuler dans le temps. De même, le revenu d’un pays mesure « ce qu’il gagne » en un an quand la richesse regarde l’ensemble des éléments valorisables au sein de ce pays.