2.2 : Deux autres approches du PIB
3. Approche par le revenu
De la même manière que l’on s’est posé la question de l’utilisation des biens et services dans une économie, on peut réfléchir au revenu que génère la valeur ajoutée. Comment est répartie cette valeur ajoutée au sein d’un pays ? Rappelons encore une fois que celle-ci correspond à la valeur de la production moins la valeur des consommations intermédiaires utilisées dans cette production. Toutefois, pour produire, il faut plus que des matières premières et autres consommations intermédiaires, il faut aussi du travail et des machines (ou du « capital » en termes plus économiques). Le travail est réalisé par des employés et le « capital » est soit initialement payé par les personnes possédants les entreprises soit par des acteurs extérieurs (une banque faisant un prêt à l'entreprise par exemple).
La comptabilité nationale va donc s’intéresser aux revenus générés par la production et notamment comment la valeur ajoutée est partagée entre :
- Les salaires.
- L’excédent brut d’exploitation.
- Les autres impôts sur la production moins les autres subventions sur la production.
- Les revenus mixtes bruts.
Les salaires sont une catégorie relativement intuitive à comprendre : la valeur ajoutée générée par les entreprises peut être divisée en trois catégories : (a) ce qui est obtenu par les travailleurs au sein des entreprises, (b) ce que l’État peut prélever en impôts net des subventions sur la production [1] et (c) ce qui reste au sein des entreprises une fois ces salaires et impôts payés. Afin de mieux comprendre, on peut reprendre l’exemple développé au sein de la section précédente avec l’entreprise fabriquant des meubles et imaginer qu’elle verse au total pour 6 000€ de salaires. Nous avions :
Entreprise 2 : fabrique de meubles – compte de production |
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Emploi |
Ressource |
Consommation intermédiaire : 15 000€
Valeur ajoutée : 10 000€ |
Production : 25 000€ |
Ce compte (de production) avait pour solde la valeur ajoutée (brute) pour un montant de 10 000€. Maintenant, définissons un nouveau compte (appelé compte d’exploitation) et reportons en ressource la valeur ajoutée :
Entreprise 2 : fabrique de meubles – compte d’exploitation |
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Emploi |
Ressource |
Salaires : 6 000€ Autres impôts sur la production : 1000 Autres subventions sur la production : (-) 500
EBE : 3 500€ |
Valeur ajoutée : 10 000€ |
Dans ce compte, on considère que la valeur ajoutée est utilisée pour (1) payer des salaires, (2) payer certains impôts sur la production diminuée de certaines subventions et (3) d’autres emplois qui ne sont pas encore définis à ce stade. Le solde de ce compte (les emplois pas encore définis à ce stade) est appelé EBE (Excédent Brut d'Exploitation). Il s'agit de l'argent issu de la (vente de la) production qui "reste" pour l'entreprise une fois les salaires et les impôts payés. Remarquons encore une fois l’égalité (par construction) entre les emplois et les ressources.
Maintenant, qu’est-ce que le
« revenu mixte brut » également listé plus haut ? Il s’agit en fait
d’une nuance introduite dans le compte d’exploitation précédent et qui
dépend
du type d’entreprises. Pour les grandes entreprises et les
administrations, il
est généralement facile de distinguer précisément les salaires (même
ceux des
dirigeants) de ce qui "reste" au sein de l'entreprise et pourra avoir
d'autres utilisations (l’EBE). Pour les
petites entreprises, souvent individuelles, une telle distinction est
souvent
impossible. Aussi, dans ce cas, plutôt que de parler d’EBE, on parlera
de
Revenu Mixte Brut. [C'est un exemple un peu abusif mais imaginons un
boulanger possédant sa boulangerie. Le revenu que se verse le boulanger,
est-ce un salaire ? est-ce le profit de son entreprise ? Probablement
un peu des deux ; d'où l'idée de "Revenu Mixte Brut"]
Ainsi, pour reprendre notre exemple précédent, dans le cas où l’entreprise considérée serait une grande entreprise, son « compte d’exploitation » s’écrirait :
Entreprise 2 : fabrique de meubles – compte d’exploitation |
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Emploi |
Ressource |
Salaires : 6 000€ Autres impôts sur la production : 1000 Autres subventions sur la production : (-) 500
EBE : 3 500€ |
Valeur ajoutée : 10 000€ |
Et dans le cas où il s’agirait d’une petite entreprise individuelle, il s’écrirait :
Entreprise 2 : fabrique de meubles – compte d’exploitation |
|
Emploi |
Ressource |
Salaires : 6 000€ Autres impôts sur la production : 1000 Autres subventions sur la production : (-) 500
Revenu Mixte Brute : 3 500€ |
Valeur ajoutée : 10 000€ |
Pour revenir plus précisément sur cette distinction entre petites et grandes
entreprises, la Comptabilité Nationale distingue des « secteurs
institutionnels » qui regroupent de grands types d’acteurs de l’économie
(voir le document en annexe) et notamment les « ménages » et les
« sociétés non-financières » (pour faire simple, les entreprises
autres que les banques). Les entreprises individuelles vont être classifiées
parmi les ménages car pour les personnes possédant de telles entreprises, la
frontière entre activités effectuées au
sein du ménage ou au sein de
l’entreprise est souvent floue. Dans ce cas précis, la Comptabilité
Nationale parle de Revenu Mixte Brute plutôt que d'EBE sans que cela ne change grand-chose
autrement.
Maintenant, nous avions vu que le PIB pouvait s’écrire comme :
\( PIB = \sum VAB + Impôts sur les produits - Subventions sur les produits \)
Au vu du compte d’exploitation précédent et de l’égalité emploi-ressource, il est évident que l’on a :
\( \sum VAB= Salaires + EBE + RMB + Autres Impôts sur la Production - Autres Subvention sur la Production \)
Et par conséquent :
\(
PIB = Salaires + EBE + RMB + Autres Impôts sur la Production - Autres
Subvention sur la Production + Impôts sur les produits - Subventions
sur les produits\)
Cette écriture est la troisième
« approche » du PIB. Elle est connue comme l’approche par le revenu car elle met en lumière les revenus
générés dans l’économie par la création de valeur ajoutée.
Remarquons que :
-
"Impôts sur les produits + Autres Impôts sur la Production" est souvent
regroupé sous l'appellation "Impôts sur la production et les
importations".
- "Autres Subvention sur la Production + Subventions sur les produits" est souvent regroupé sous l'appellation "subvention".
[1] Il ne s’agit pas d’impôts ou de taxes sur les produits comme la TVA ou d’impôt comme celui sur les bénéfices (qui ne concerne donc pas la production) mais d’un impôt sur la production. On peut penser notamment aux impôts liés à l’utilisation de terrains comme la contribution économique territoriale.