2.6. Transformations internes et évolutions de la politique commerciale anglaise à la suite de la Révolution industrielle
L’héritage protectionniste, privilège de l’aristocratie foncière
Des corn laws existent en Angleterre dès 1436, elles autorisent alors l’exportation de céréales uniquement si les prix locaux tombent en deçà d’un certain seuil. Des lois plus ou moins rigoureuses perdurent jusqu’au XVIIIe siècle exprimant à la fois le pouvoir de l’aristocratie foncière et la force de la doctrine mercantiliste. En 1791 une loi interdit l’importation de blé tant que son prix intérieur reste inférieur à 54 shillings le quarter (soit l’équivalent de 291 litres de blé). Ce barème est porté à 66 shillings en 1804. Par la suite, en raison de la fin des guerres napoléoniennes, l’aristocratie foncière anglaise doit faire face à une baisse de ses revenus agricoles. Toujours dominante au Parlement elle obtient en 1815 le vote d’une nouvelle élévation du barème : la libre importation des blés n’est maintenant possible que si le prix du quarter dépasse 80 shillings. Un tel prix est particulièrement élevé, il est voisin d’un prix de famine.
Dans ce contexte d’élévation des prix, avec en arrière-plan la symbolique du prix du pain, ces corn laws font l’objet d’un débat pendant près de trente ans. La controverse met d’abord en présence les plus grands économistes de l’époque. Ricardo (1772-1823) apparaît comme le chef de file des partisans de l’abolition des lois. Son argumentaire est d’abord analytique : le libre-échange éloigne l’horizon de l’état stationnaire. Malthus (1766-1834) est le principal défenseur des corn laws, il avance des arguments de nature plus politique.
Ce débat traverse toute la société anglaise et structure la vie politique du XIXe siècle. L’épisode illustre le fait que la politique commerciale d’une nation dépend des rapports de forces entre les différentes composantes de la société, essentiellement à l’époque, pour caricaturer, les intérêts agrariens face aux intérêts industriels avec comme « arbitre » un gouvernement dont les recettes douanières constituent environ 45 % des rentrées budgétaires au seuil des années 1840.