3.6. La III° République (2) - La réponse de l'Etat à la résurgence de la Question Sociale

La naissance de l’Etat-Providence au tournant du XX° siècle

L’Etat se met à redistribuer les richesses selon 3 axes : la constitution d’une législation sur le travail ; les débuts de la Protection Sociale ; la mise en place de l’impôt progressif sur le revenu.

Premier axe : la constitution d’une législation sur le travail. La loi Waldeck-Rousseau sur les syndicats en 1884, la loi sur le règlement des conflits entre patrons et ouvriers en 1892, et surtout la loi sur les accidents du travail en 1898, qui change complètement d’optique, et abandonne la notion de responsabilité pour adopter la notion de risque : quel que soit le responsable, l’ouvrier blessé sera de toutes façons indemnisé. Le premier Ministère du Travail est créé en 1906, et le Code du Travail, en 1910, permet de redéfinir les relations professionnelles comme une coopération à égalité entre ceux qui contribuent à la réalisation d’un produit.

Deuxième axe : les débuts – timides - de la Protection Sociale, avec l’assistance médicale gratuite pour les pauvres, en 1893, la loi sur les retraites ouvrières et paysannes, en 1910, ou encore la loi Siegried, sur les logements sociaux, en 1893. Les progrès sont certes plus symboliques que vraiment utiles pour résorber le misère des prolétaires.

Enfin, troisième axe et non des moindres, l’instauration de l’impôt progressif sur le revenu, un fait majeur en termes de redistribution de richesses par l’Etat, sur lequel il est intéressant de s’arrêter.

Au XIX° siècle, l’impôt est envisagé très différemment d’aujourd’hui. Il est vu comme un impôt-assurance. Payer l’impôt donne à l’Etat les moyens de protéger les biens des possédants ; ainsi, pour Emile de Girardin, l’impôt est « la prime d’assurance payée par ceux qui possèdent, pour s’assurer contre tous les risques de nature à les troubler dans leur possession ou leur jouissance » (L’impôt, 1852).  Le juste prélèvement est donc proportionnel aux services publics que l’on utilise. Cependant, le début du XX° siècle voit l’apparition quasi-simultanée, dans les pays avancés, d’un impôt progressif sur le revenu, c’est-à-dire un impôt où les plus riches payent davantage en proportion de leur revenu que les plus pauvres[1]. Un impôt dont l’objectif affiché est de redistribuer les richesses.

L’instauration de ces impôts progressifs est très lente, car elle soulève des débats passionnés et violents. Selon Adolphe Thiers, « l’impôt progressif, c’est le socialisme ». En France, il faudra trente ans de débat et l’imminence d’une guerre pour l’adopter, un peu à la va-vite, en 1914. Si les taux de prélèvement sont très faibles au départ, ils vont rapidement devenir importants dans les années 1920, pour éponger les énormes dépenses de guerre.

L’apogée de la contestation sociale en France se situe en 1906, avec la catastrophe de Courrières. Plus de 1 000 mineurs périssent dans une mine d’un coup de grisou. Les autres se mettent en grève pour protester contre les conditions de travail. Le gouvernement fait appel à la troupe, mais cela ne fait qu’empirer la contestation. Peu après, le 1er mai, c’est la première grève générale de l’Histoire de France ; on n’a jamais été aussi prêt du Grand Soir. D’ailleurs, la CGT (Confédération Générale du Travail, principal syndicat ouvrier à l’époque) adopte en octobre 1906 la « Charte d’Amiens », qui prône la lutte des classes, l’expropriation des capitalistes et la grève générale comme moyen d’action. Mais la Révolution n’aura finalement pas lieu, et 8 ans plus tard éclate la Première Guerre Mondiale, qui fera passer la question sociale au second plan.



[1] En 1891 en Allemagne, 1913 aux Etats-Unis, 1909 au Royaume-Uni, 1914 en France.