5.5. Des trajectoires et stratégies contrastées de sortie de la pauvreté dans les pays en développement
Décolonisation, indépendance et contexte intellectuel des stratégies de développement
Pendant les trente glorieuses, les écarts de revenu par tête et de développement économique entre les pays industrialisés et les pays qui sont moins avancés ne diminuent pas. La dernière ligne du tableau 5.5.1 qui reporte le ratio du PNB par tête des pays industrialisés à celui des pays en développement en 1974 montre que l’écart a même légèrement augmenté entre 1950 et 1975. D’un côté, la croissance des économies industrielles est très soutenue (voir section 5.3). D’un autre côté, dans beaucoup d’économies nouvellement indépendantes, la croissance économique est limitée car les incitations à investir sont très faibles du fait du niveau très faible du revenu et de la demande nationale et les niveaux technologiques très bas limitent les gains de productivité.
De surcroît, ces pays sont encore peu nombreux à avoir entamé leur transition démographique, c’est à dire à avoir réussi à faire diminuer successivement les taux de mortalité puis de fécondité, à la fin des années 1960. En conséquence, même si leur PIB croissait aussi rapidement que celui des pays industriels, comme c’est parfois le cas, ils ne rattraperaient pas les niveaux de richesse moyenne, mesurée par le PNB par tête, des pays industriels. Enfin, les niveaux faibles d’éducation limitent la capacité des économies pauvres à absorber les innovations technologiques des économies centrales.
Tableau 5.5.1. Croissance et niveaux du Produit National Brut par habitant dans le monde développé et les mondes en développement (Source : M. Beaud (2010) Histoire du capitalisme 1500-2010, Points Seuil)
Le tableau 5.5.1 pointe également des écarts importants de croissance moyenne du PNB par habitant entre les différentes régions du monde en développement, la performance des pays du Moyen-Orient étant 3 fois plus forte que celle de l’Asie du sud. Il existe différents facteurs expliquant ces écarts de performance entre les pays en développement, parmi lesquels des éléments exogènes comme la position géographique ou bien l’histoire du pays.
D’autres facteurs sont liés aux stratégies choisies par les dirigeants des pays en développement à partir des années 1950. Ces stratégies varient fortement selon les options idéologiques de leurs dirigeants et selon les relations qu’ils entretiennent avec les puissances hégémoniques des deux blocs. Les trajectoires historiques des pays en développement en matière d’industrialisation peuvent être associées à plusieurs logiques: (i) celles basées sur les exportations de ressources naturelle ; (ii) celles basées sur la préférence pour l’économie nationale et sa déconnection de l’économie mondiale souvent dans une réaction postcoloniale ; (iii) celles basées sur l’ouverture contrôlée aux échanges extérieurs pour assimiler les techniques étrangères et profiter des avantages de la division internationale du travail ou de la division internationale des processus productifs.