6.5. "Hyper-capitalismes", financiarisation des entreprises et montée des inégalités
Des différences importantes dans les trajectoires d’inégalités associées à l’"Hyper-capitalisme"
Une fiscalité pro-capital
Comme le montre le graphique 6.5.6, la fiscalité de plus en plus favorable au capital à partir des années 1980 puisque le taux d’imposition marginal, c’est à dire celui qui porte sur les très hauts revenus généralement issus du patrimoine financier, diminue fortement dans les années 1980 et 1990 dans tous les pays développés.
Graphique 6.5.6. Taux supérieur de l’impôt sur le revenu : 1900-2020 (Source : Piketty, 2019)
Cette fiscalité pro-capital s’impose dans les années 1980, d’abord au Royaume-Uni (Thatcher) et aux Etats-Unis (Reagan) puis partout ailleurs. Elle s’inspire des théories du ruissellement qui supposent que laisser les riches s’enrichir plus encore a des effets positifs sur l’ensemble de la société car la propension à investir des riches est supérieure, ce qui crée des emplois et des revenus pour le reste de la population lorsque ces riches investissent dans la production. De plus, les recettes fiscales devraient augmenter en diminuant les taux supérieurs du fait de la diminution de l’évasion fiscale de la part des plus riches. L’amplification du caractère anti-redistributif de la fiscalité s’associe donc avec la croissance rapide des revenus financiers pour amplifier ce mouvement d’augmentation des inégalités. Puisque le patrimoine génère des revenus du patrimoine qui à leur tour permettent l’augmentation des patrimoines, les inégalités sont beaucoup plus fortes sur les patrimoines que sur les revenus comme le montre la comparaison des Etats-Unis et de la France ou l’Europe dans les graphiques 6.5.7 et 6.5.8.
Graphique 6.5.7. Part du patrimoine national détenue par les 1% des ménages possédant les plus gros patrimoines: 1900-2010 (Source : Piketty, 2019)
Graphique 6.5.8. Part du revenu national détenue par les 1% des ménages possédant les plus gros revenus : 1900-2010 (Source : Piketty, 2019)
Alors que les 1% les plus riches en termes de patrimoine détiennent près de 40% du patrimoine total aux Etats, les 1% les plus riches en termes de revenu ne concentrent que 20% du revenu national. Les 1% des européens les plus riches en termes de revenu ne captent que 12% du revenu total, contre 25% du patrimoine français possédé par les 1% les plus riches en termes de patrimoine.