1.4. Le commerce triangulaire et l'économie coloniale

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Cours: Histoire des faits économiques
Livre: 1.4. Le commerce triangulaire et l'économie coloniale
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Date: jeudi 21 novembre 2024, 19:04

Introduction

Cette section s’intéresse au processus de colonisation engagé par les puissances européennes à partir du XVI°s., et au développement de l’esclavage qui l’accompagne. Nous nous arrêterons au milieu du XIX°s., avec les abolitions, et n’aborderons pas la phase ultime des colonisations, qui débute à la fin du XIX°s.


Une économie esclavagiste

A partir du XVI°s., se met en place le commerce triangulaire pour répondre aux énormes besoins de main-d’œuvre des colons installés dans le Nouveau Monde. Les navires partent d’Europe chargés de biens manufacturés, les échangent contre des esclaves en Afrique, puis échangent ces esclaves contre des matières premières coloniales qu'ils ramènent en Europe.

Les colonies d’Amérique sont rentrées dans la phase d’économie de plantation. Les Européens se sont accaparés les terres des Indiens sur lesquelles ils cultivent les produits coloniaux alors à la mode en Europe : le cacao, le sucre, le tabac, ou encore le café.

La traite durera jusqu’au XIX°s. : on estime qu’entre 12 et 20 millions d’Africains furent déportés de force comme esclaves dans les plantations.

C’est dans les Antilles que les sociétés esclavagistes furent les plus extrêmes. A Saint-Domingue, 80% de la population est esclave. L’appropriation est brutale et intensive. Les revenus de l’exploitation foncière sont accaparés par les colons, qui investissent très peu sur place. On estime qu’entre 10 et 15% des revenus des plantations revenaient aux esclaves sous forme de nourriture et d’habillement, 10% étaient consommés par les planteurs eux-mêmes, le reste est rapatrié en métropole. Cette « extraction coloniale » représente jusqu’à 7% du revenu national français en 1760.

La vie sur les plantations est extrêmement dure pour les esclaves, les travaux des champs sont pénibles et les rations de nourriture à peine suffisantes. Les mauvais traitements sont fréquents, même si le colon n’a pas intérêt à dégrader cet outil de travail qu’est l’esclave. C’est ce qui oblige Colbert à rédiger un « Code Noir » en 1685, un ensemble de lois qui régissent les droits et les devoirs respectifs du maître et de l’esclave. La fourniture de vêtement et de nourriture, les peines et les châtiments, diverses interdictions (comme celle de porter des armes) sont inscrites dans la loi.

Le « marronnage », c’est-à-dire la fuite de l’esclave hors de la propriété de son maître, est fréquent. Mais les marrons sont généralement repris. Certains arriveront tout de même à se regrouper et à fonder des communautés, comme Os Palmares, dans le Nord-Est du Brésil, qui résista pendant presque tout le XVII°s. aux armées portugaises.


« Pacte colonial » et « Traités inégaux »

Certains historiens considèrent que l’appropriation des ressources coloniales par les puissances européennes leur auraient permis d’accumuler suffisamment de capitaux pour lancer la Révolution Industrielle. Ainsi, la domination économique contemporaine des pays occidentaux aurait pour origine la spoliation des terres des Indiens et de la main-d’œuvre africaine.

Le « pacte colonial » établit une division internationale du travail, qui survivra jusqu’à la fin du XX°s. Les colonies produisent des matières premières, rapatriées en métropole pour être transformées et alimenter le marché intérieur. Dans l’autre sens, les colonies consomment des produits manufacturés produits en métropole.

Cette tendance va s’accentuer au XVIII°s. et au XIX°s. où les colonies constitueront des débouchés pour les produits de la métropole que le marché intérieur ne peut pas absorber. C’est le temps « colonies déversoirs ». Cela peut se passer de manière forcée, comme pour le textile en Inde : vers 1820 l’Angleterre, qui a édifié une industrie textile mécanisée pendant sa Révolution Industrielle, exige que le marché indien serve de débouché à sa production. Elle augmente les impôts et les droits de douane sur le textile indien, oblige des tisserands indiens à cesser leur activité. La contrainte se révèle efficace : la part de l’Inde dans les exportations totales de textile anglais passe de 6% à 25% entre 1820 et 1850.

La colonisation peut aussi prendre la forme de ce qu’on appelle des « traités inégaux ». Les pays occidentaux vont ainsi obliger par la force certains pays à s’ouvrir au commerce : c’est le cas de la Chine après les Guerres de l’Opium au milieu du XIX°s. et du Japon dans les années 1860. Des pratiques commerciales que l’on a appelées « la politique de la canonnière. »

Les abolitions du XIX° siècle

Ce n’est qu’au XIX°s. que l’esclavage sera finalement aboli dans les colonies et ex-colonies européennes, avec des modalités différentes selon les pays. Dans la mentalité de l’époque, il paraissait normal d’indemniser les propriétaires d’esclaves, puisqu’ils les avaient achetés et entretenus. Cette question de la compensation est sensible, car cela représente des sommes colossales, et l’on ne sait pas qui va payer.

Au Royaume-Uni, l’abolition de 1833 s’accompagne d’une compensation intégrale aux propriétaires, financée par le Trésor Public. Etant donné la régressivité du système fiscal britannique de l’époque, la charge repose sur les ménages modestes et moyens.

La France abolit une première fois l’esclavage en 1794 suite à une révolte à Saint-Domingue (où les esclaves représentent 90% de la population de l’île). Saint-Domingue devient indépendante sous le nom d’Haïti en 1804. La France l’oblige à dédommager les propriétaires d’esclaves. La dette estimée s’élève à 150 millions de francs-or, soit 300% du revenu national de l’île. Elle devra la rembourser jusque dans les années 1960. Haïti est aujourd’hui un des pays les plus pauvres du monde.

Aux Etats-Unis, le système esclavagiste connait une grande prospérité, avec 4 millions d’esclaves en 1860, environ un tiers de la population. Le coton produit dans les plantations du Sud est vendu aux Etats du Nord et à l’Europe, en pleine Révolution Industrielle. La question divise le pays entre Etats du Nord, abolitionnistes, et Etats du Sud, esclavagistes, et débouche sur une guerre civile, la Guerre de Sécession entre 1860 et 1865. Les propriétaires ne seront pas compensés, et les Etats du Sud sont ruinés.