3.3. L'entrée du prolétaire sur la scène politique : la II° République

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Cours: Histoire des faits économiques
Livre: 3.3. L'entrée du prolétaire sur la scène politique : la II° République
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Date: jeudi 21 novembre 2024, 23:50

Introduction

Avec l’entrée dans la Révolution Industrielle, le nombre de prolétaires ne cesse d’augmenter dans la population. Ils vont faire leur entrée sur la scène politique avec la Révolution de 1848. Mais le terrain a déjà été préparé sur un plan intellectuel, avec la naissance du socialisme dans les années 1830-1840, qui sont aussi celles de la prise de conscience de leurs conditions de vie misérables (cf. Section 2).

Le sort des prolétaires émeut d’autant plus qu’il fait peser un risque de dissolution sociale, de division de la société. On retrouve la façon dont les privilégiés étaient considérés en 1789, c’est-à-dire des individus à part de la société, mais complètement à l’inverse : selon Joseph Proudhon, les prolétaires sont tellement pauvres qu’il sont « retranchés de l’humanité par la misère ».

Socialismes et communisme

C’est à partir de ce constat que va naître le socialisme. Il se construit d’abord sur la critique de la concurrence, déjà réalisée dans les années 1820 par la Comte de Saint-Simon et ses disciples, les « saint-simoniens ». Sur le marché du travail, la concurrence entre ouvriers est source de rivalité, de guerre entre individus ; elle permet aux employeurs de diminuer le salaire jusqu’au niveau de subsistance. La concurrence est à la source de l’extrême pauvreté des prolétaires, selon Prosper Enfantin, qui introduit dans le langage le mot anglais « paupérisme ». Chez Louis Blanc, elle conduit les prolétaires à « s’exterminer » les uns les autres pour avoir du travail et survivre.

A l’opposé de la concurrence, les socialistes prônent la coopération, qui unit les prolétaires entre eux plutôt que les opposer les uns aux autres. Une solution serait l’association d’ouvriers au sein de coopératives ou de syndicats, mais la loi le Chapelier de 1792 (cf. Section 1) les a interdit. C’est ainsi que va naître le socialisme dit « utopique », autour de penseurs tels que Robert Owen, Joseph Proudhon, Charles Fourier ou Etienne Cabet.

Ils proposent un bouleversement de l’organisation sociale et des rapports de travail en poussant jusqu’au bout l’idée d’association, d’union de travailleurs. Il s’agit d’éradiquer la concurrence sur trois plans :

-        Juridique d’abord, par l’abolition de la propriété privée

-        Economique ensuite, par l’établissement d’un ordre social communautaire, où certaines fonctions de la vie quotidienne, comme les repas ou la garde d’enfants sont collectivisées, c’est-à-dire réalisées en commun

-        Moral enfin, par la suppression de l’égoïsme et de l’envie

Ces idées un peu utopiques donneront naissance à plusieurs réalisations concrètes : une communauté ouvrière fonctionnant selon ces principes est fondée à New Lanark par Robert Owen, tandis qu’Etienne Cabet part au Texas fonder Icarie.

Charles Fourier imagine un « phalanstère » qui sera réalisé par Jean-Baptiste Godin, un ancien ouvrier qui fit fortune dans les poêles de fonte. Le familistère de Guise propose, autour de l’usine, des logements spacieux et aérés, un ensemble de services tels que crèches, écoles, théâtres, et des magasins coopératifs, c’est-à-dire gérés par les ouvriers eux-mêmes. Le familistère de Guise fonctionnera jusque dans les années 1970.

Ce premier socialisme était qualifé d’utopique car il reposait sur l’idée un peu naïve d’une solidarité naturelle entre les hommes. Le socialisme devient « scientifique » avec l’apport de Karl Marx et Friedrich Engels[1]. Leur raisonnement, trop long à expliquer ici, suppose que les contradictions internes du capitalisme le conduiront à disparaître, pour laisser la place au communisme. Ce passage de l’un à l’autre s’opérera au moyen d’une Révolution menée par les prolétaires, le jour du « Grand Soir ».



[1] Une distinction proposée par Friedrich Engels dans sa brochure Socialisme utopique et socialisme scientifique en 1880.


La II° République (1848-1851)

C’est à l’occasion de la Révolution de Février 1848 que les prolétaires font leur entrée en politique.

La crise économique de 1846-1847 voit une augmentation brutale de la grande pauvreté chez les prolétaires. De mauvaises récoltes dans les campagnes ont provoqué une hausse du prix du pain, tandis que le salaire des ouvriers diminue de 30%. Le peuple gronde.

Le Roi Louis-Philippe, au pouvoir depuis 1830, avait mis en place un suffrage censitaire : seuls les plus fortunés, et certains titulaires de diplômes universitaires, ont le droit de vote. C’est l’idée que seule une élite éclairée, cultivée et fortunée serait capable de diriger la Nation. Ainsi les prolétaires, mais aussi toute une classe moyenne, composée d’artisans, de commerçants, d’hommes de loi n’ont pas de représentation politique et ne peuvent donc pas faire entendre leurs revendications.

Cette opposition hétéroclite entend détourner la loi en organisant des « banquets », qui sont le prétexte à des réunions politiques (campagne dite des « banquets républicains ». L’interdiction d’un de ces banquets par François Guizot, au début de l’année 1848, met le feu aux poudres. Le peuple parisien se révolte et dresse des barricades. Après quelques jours d’émeutes, Louis-Philippe finit par abdiquer en février 1848. La II° République commence.

La II° République desserre l’étau politique : elle institue le suffrage universel masculin, la liberté de réunion, la liberté de la presse, elle abolit l’esclavage.

Les questions liées au travail font leur apparition sur la scène politique.

-        Louis Blanc est nommé à la tête de la Commission du Luxembourg, dont les travaux doivent déboucher sur la rédaction d’un Code du Travail. La Commission discute des sujets de la durée du travail, du droit d’association, ou du salaire minimum - des propositions très modernes pour l’époque.

-        A partir du mois de mars, sous l’impulsion de Louis Blanc, le Gouvernement provisoire met aussi en place les « Ateliers Nationaux ». L’Etat propose du travail aux chômeurs, devenus nombreux depuis la crise de 1846, principalement dans les travaux publics, la réfection de routes, etc. Les Ateliers Nationaux seront victimes de leur succès : le nombre de candidats passe de 6 000 le 15 mars à 117 000 le 30 avril… L’Etat a bien du mal à suivre la demande.

La « parenthèse progressiste » de la II° République ne durera que de février à juin 1848. Les élections de juin, au suffrage universel, donnent la majorité aux conservateurs. Louis Blanc est exclu du gouvernement et doit s’exiler. La suppression officielle des Ateliers Nationaux, en juin, provoque des émeutes qui sont réprimées par la troupe : on compte pas moins de 4 000 morts. La II° République s’installe dans le sang du monde ouvrier, et ne durera que trois ans pour laisser la place, en 1851, au II° Empire.