2. PIB réel et PIB nominal

Le paragraphe précédent souligne un point important et dévoile une difficulté dont nous n’avons pas encore parlé : plus que le PIB en lui-même, c’est souvent son évolution qui intéresse les économistes, les politiciens et le grand public : le fameux « taux de croissance » du PIB. Prenons un exemple pour mieux saisir : la Banque Mondiale calcule qu’en 2018, le PIB de la France était de 2 778 milliards de dollars. En soi, que signifie cette information ? Que la somme des valeurs ajoutées (plus et moins impôts et subventions) atteignait ce montant, ce qui peut sembler peu parlant. En revanche, ajouter à cela que la Banque Mondiale estimait le PIB a 2 586 milliards en 2017 permet de voir que l’activité économique était (légèrement) plus soutenue en 2018 qu’en 2017.

Le fait que l’on s’intéresse davantage à l’évolution du PIB qu’à son niveau directement pose toutefois question. Imaginons pour simplifier qu’une économie soit constituée de deux entreprises : la première fait pousser des fruits qui sont mangés par les citoyens de ce pays et aussi utilisés par la seconde entreprise qui fabrique des gâteaux.

Entreprise 1 : Fruits

Emploi

Ressource

Consommation intermédiaire : 0€

 

Valeur ajoutée : 20 000€

Production : 20 000€

 

Entreprise 2 : Gâteaux

Emploi

Ressource

Consommation intermédiaire : 10 000€

 

Valeur ajoutée : 20 000€

Production : 30 000€

 

On imagine qu’il n’y a ni impôts ni subventions. Aussi, les comptes précédents établissent un PIB pour une valeur de 40 000€ (la somme des valeurs ajoutées).

Supposons maintenant que l’on s’intéresse toujours au PIB de ce pays, mais l’année suivante. Par ailleurs, on va supposer que les entreprises produisent exactement la même chose. Notre économie imaginaire a donc produit autant de fruits et de gâteaux que l’année précédente. Supposons toutefois que les entreprises considérées décident de doubler le prix de vente de leurs produits. On obtient alors :

Entreprise 1 : Fruits

Emploi

Ressource

Consommation intermédiaire : 0€

 

Valeur ajoutée : 40 000€

Production : 40 000€

 

Entreprise 2 : Gâteaux

Emploi

Ressource

Consommation intermédiaire : 20 000€

 

Valeur ajoutée : 40 000€

Production : 60 000€

 

Et donc un PIB de 80 000€. Est-il raisonnable de penser que l’activité économique a doublé entre les deux années ? Après tout, le PIB lui a doublé… Cela semble toutefois étrange puisque nous avons construit cet exemple en faisant l’hypothèse d’une activité économique strictement identique.

Le problème précédent explique pourquoi les économistes font la distinction entre le PIB nominal (aussi appelé PIB en euros courants) et le PIB réel (aussi appelé PIB en euros constants).

Jusqu’à présent, lorsque l’on parlait de PIB, on parlait en fait de PIB nominal, c’est-à-dire qui utilise les prix de l’année en cours. S’il est souvent nécessaire de commencer par calculer ce PIB nominal avant de calculer le PIB réel, l’exemple précédent montre les difficultés associées à cette notion de PIB nominal. Si les prix varient entre deux années – et en pratique, c’est toujours le cas – on ne peut utiliser le PIB nominal afin d'étudier l'évolution de l'activité économique : on ne saurait dire si une évolution du PIB découle d’un changement du niveau d’activité économique ou d’une variation des prix.

Heureusement, on peut facilement corriger ce problème en employant le PIB réel. Il s’agit en fait de calculer le PIB d’une année (mettons 2015) en utilisant les prix d’une autre année (mettons 2011). En procédant ainsi, on peut facilement comparer le niveau d’activité économique dans le temps puisque les prix sont tous exprimés en utilisant une année de référence (mettons 2011). Pour ce faire toutefois, on ne va pas recalculer la valeur de chaque production et chaque valeur ajoutée avec d’autres prix, on va simplement faire une correction au niveau agrégé.

Imaginons qu’un ou plusieurs organismes [1] construisent un indice des prix et suive son évolution dans le temps. On peut penser cet indice des prix comme un « prix moyen » dans l’économie considérée, mais en pratique, ce qui va surtout nous intéresser c’est l’évolution de cet indice des prix et non sa valeur directement. En fait, les économistes vont même considérer une année de référence qui les intéresse, par exemple 2011 et normaliser l’indice des prix à « 100 » durant cette année. Une fois cette normalisation faite, on va calculer l’évolution de l’indice des prix et regarder sa valeur durant une autre année. Mettons qu’on observe qu’il est de « 110 » en 2015. Avec cette nouvelle information, on peut calculer le PIB de 2015 en utilisant les prix de 2011 ; il suffit de faire :

\( PIB^{2015}_{Prix2011} = PIB^{2015}_{Prix2015} \times \frac{100}{110} \)

[Remarque sur l'indice des prix. Une façon simple de comprendre la construction de cet indice est d'imaginer qu'un agent de l'INSEE va dans un supermarché et dépense 100€ en achetant certains produits (une salade, un cahier, des chaussures, etc.). L'année suivante, un autre agent de l'INSEE achète les mêmes produits. Il regarde alors combien cela lui a couté. En procédant ainsi, on peut se fabriquer un premier indice des prix.]

On peut remarquer que la formule précédente revient à écrire :

\( PIB^{2015}_{Prix2011} = \frac{PIB_{nominal}}{1,1} \)

\( PIB^{2015}_{Prix2015} \) est le PIB nominal de 2015 par définition (le PIB d'une année utilisant les prix de cette même année). Le « 1.1 » est le déflateur du PIB. Sa valeur est égale à un plus le taux de croissance de l’indice des prix qui est souvent associé (pour simplifier) au taux d’inflation d’une économie.

Le PIB réel ou PIB en euros constants est donc le PIB d’une année définit en utilisant les prix d’une autre année de référence. Plus concrètement, on a :

\( PIB^{AnnéeA}_{PrixAnnéeB} = \frac{PIB_{nominal}^{AnnéeA}}{1 + \pi } \)

\( \pi \) est le « taux d’inflation » et "\( 1+\pi \)" le déflateur du PIB entre l’année A et l’année B.



[1] En France, l’INSEE se charge notamment de ce travail. On peut aussi penser au U.S. Department of Labor aux Etats-Unis qui construit des indices de prix.