Les trajectoires de développement par l’agriculture et les ressources naturelles : Amérique latine et de l’Afrique subsaharienne
Le développement agricole est un enjeu central dans les pays en développement où une grande partie de la population vit dans les zones rurales et où la population à croissance rapide de villes toujours plus nombreuses doit être nourrie. En outre, l’histoire des pays industrialisés a montré que l’agriculture est capable d’exercer un effet d’entraînement sur les autres secteurs économiques par l’épargne accumulée et captée par les systèmes bancaires et fiscaux, en tant que débouchés pour le secteur industriel et comme fournisseur de devises pour l’exportation.
Afin de générer un surplus monétaire transférable aux autres secteurs, les pays nouvellement indépendants à partir des années 1960 et 1970 choisissent souvent de stimuler le développement agricole grâce à une politique volontariste reposant sur deux piliers complémentaires.
Le premier pilier est la révolution verte qui consiste à transformer les méthodes culturales traditionnelles en introduisant des techniques plus performantes (semences, engrais, irrigation…) souvent importées. L’objectif est d’améliorer les rendements afin d’atteindre l’autosuffisance alimentaire puis pouvoir exporter des surplus de produits agricoles. Expérimentée en Asie dès les années 1950, au Moyen Orient, en Afrique du Nord, en Amérique latine, la révolution verte connaîtra des résultats convaincants en matière d’autosuffisance alimentaire notamment en Chine et en Inde.
Le second pilier est la réforme agraire qui s’attache à transformer les structures de la propriété foncière à usage agricole, généralement en redistribuant aux pauvres les terres des grands propriétaires terriens (souvent les anciens colons). Le double objectif est de substituer des productions vivrières à des productions spéculatives et de fixer localement les populations agricoles en leur offrant des moyens de subsistance. Modifier les rapports sociaux dans les structures foncières requiert de s’appuyer sur un Etat fort, souvent révolutionnaire, capable d’acheter, d’exproprier, voire de confisquer et de diviser puis redistribuer les terres des grands propriétaires aux petits paysans. Les résultats ont été assez contrastés selon la façon dont la réforme agraire est perçue par la population et mise en œuvre par l’Etat. Ils furent rapides et convaincants lorsqu’un Etat fort et légitime a pu imposer la réforme agraire comme en Asie (Taïwan, Corée du Sud ou Chine). Ils furent plus limités lorsque le pouvoir politique était lui-même entre les mains des grands propriétaires fonciers comme en Amérique latine.
Le modèle de développement basé que l'agriculture peut comporter des risques liés à la faible diversification de l'économie. Les aléas météorologiques et les mauvaises récoltes, fréquentes en Afrique, conduisent en effet à une grande instabilité de la croissance dans les économies agricoles. De grandes famines ont par exemple été provoquées, entre autres facteurs, par des récoltes catastrophiques liées à des aléas climatiques : Biafra (1968-1970), Ethiopie (1973-1974).
Certains pays en développement ont essayé de mettre en place des agricultures d'exportation afin de capter des ressources pouvant être utilisées pour importer d'autres biens. Ces modèles peuvent conduire à plus de pauvreté des petits agriculteurs qui sont exclus de l'accès à la terre lorsque celui-ci est concentré aux mains des élites comme c'est le cas en Amérique latine avec les latifundia. De la même manière, de nombreux pays en développement sont riches en ressources minérales (pétrole, pierres précieuses, métaux rares). Ils ont donc essayé de sortir de la pauvreté en exportant ces ressources minières afin de financer les importations des biens de consommation qu'ils ne produisent pas du fait d'une industrialisation faible.
Les stratégies de développement basées sur l'exportation intensive des produits primaires et matières premières n’ont pas toujours conduit au développement économique pour au moins deux raisons :
- Tout d'abord, les pays faisant reposer leur modèle de développement sur l’exportation de ressources minières ont si souvent été confrontés à des problèmes de corruption et de conflits internes liés à la captation de la rente des matières premières et détournant les ressources de l’objectif de diversification économique qu’un symptôme de « malédiction des ressources naturelles » a été mise en évidence par les économistes.
- Ensuite, les prix des matières premières agricoles et minières étant très instables car fixés sur des marchés mondiaux très spéculatifs, les pays exportateurs de leur surplus agricole ou de ressources minières connaissent de grandes amplitudes de croissance du PIB. Les phases de chute des recettes d'exportation posent généralement des problèmes d'endettement extérieur et de pauvreté. Mais les périodes de croissance soutenue des recettes d'exportations peuvent également poser des problèmes de corruption ou de conflit pour capter une part de cette rente.