3. Inégalités et croissance économique
On peut également se demander si
les inégalités influent sur la performance des économies. Il s’agit donc
là d’une raison instrumentale (et macroéconomique) de s’intéresser à cette question. Il s’agit en fait d’une vieille
question en économie mais qui semble recevoir une attention nouvelle ces
dernières années.
Il semblerait que des voix de plus en plus nombreuses soulignent l'impact négatif des inégalités sur la croissance. Cela peut être observé dans les déclarations de dirigeants d’institutions internationales comme le FMI dont l’ancienne directrice (Christine Lagarde) appelle à ce que « les bienfaits économiques de la mondialisation soient partagés par tous et non plus seulement par quelques-uns » [1], dans les publications de ces mêmes institutions [2] qui suggèrent que les inégalités nuisent à la croissance ou dans les prises de position publique de certains économistes comme Paul Krugman.
Malgré ces appels, une des difficultés pour trancher la question du lien entre inégalités et croissance est qu’il existe de nombreux mécanismes possibles pouvant justifier d’un impact positif ou négatif des inégalités des premières sur la seconde. Par exemple, sans inégalités (de salaires, de richesses), les individus pourraient manquer d’incitations à faire des efforts, à investir, à monter des entreprises, etc. Réduire (trop) les inégalités conduirait alors à brider l’économie et donc la croissance. A l’inverse, trop d’inégalités pourrait engendrer des troubles sociaux ou politiques qui nuiraient eux-aussi à la croissance. De même, des inégalités trop fortes pourraient conduire à long terme à une perte de capital humain diminuant ainsi la performance des économies. En effet, les familles trop pauvres n’auraient plus la possibilité ou l’envie (s’ils pensent que cela ne sert à rien car seul les « riches » capturent les bénéfices de l’activité économique) d’investir dans l’éducation de leurs enfants.
A court terme, des actions pouvant creuser ou amoindrir les inégalités (favoriser les épargnants, redistribuer les revenus) peuvent aussi largement impacter des variables comme l’investissement ou la consommation. Nous allons rediscuter plus en détails de ces points.
Encore une fois, à cause des multiples mécanismes qui lient inégalités et croissance, le débat sur ces liens ne sera jamais définitivement tranché. Le débat doit donc être empirique (basé sur des faits). Ceci étant dit, la recherche récente suggère effectivement un lien négatif entre inégalités et performance économique. Ainsi, un article de Md. Rabiul Islam et Mark McGillivray paru récemment dans Economic Modelling (une revue scientifique spécialisée en macroéconomie) suggère que les inégalités de richesse sont négativement corrélées avec la croissance. [3][1]
Cette citation peut par exemple être trouvée dans l’article suivant :
Lagarde (FMI) prône une mondialisation plus juste, Le Figaro, 05/12/2018.
https://www.novethic.fr/actualite/social/droits-humains/isr-rse/face-aux-inegalites-croissantes-christine-lagarde-fmi-craint-l-avenement-d-un-age-de-la-colere-146665.html
[2]
Inégalités et Croissance, Focus de
l’OCDE, Décembre 2014.
https://www.oecd.org/fr/els/soc/Focus-Inegalites-et-croissance-2014.pdf
[3] Md. Rabiul Islam et Mark McGillivray, Wealth, Governance and Economic Growth, Economic Modelling, 2020, Vol. 88 (June), page 1-13.