Promotion du marché et inégalités économiques « naturelles »
La liberté économique s’accompagne naturellement de la promotion du marché comme mode de coordination des actions économiques. C’est la vision d’Adam Smith : l’échange sur le marché est libre (personne n’est contraint d’acheter ou de vendre), et efficace (chacune des deux parties a intérêt à l’échange, et dans le cas contraire chacun est libre de ne pas échanger). L’échange sur le marché est un rapport de réciprocité entre égaux.
Cependant, déjà à l’époque, on considère que le marché ne doit pas être laissé à lui-même, car il risque d’amplifier les inégalités sociales. Il doit donc être encadré. Les économistes de l’époque rejettent un encadrement par la loi ou par les institutions, et proposent un encadrement par la morale : Adam Smith fait l’apologie de la frugalité ; Jean-Baptiste Say défend la sobriété dans ses premiers écrits ; Condorcet en appelle à la « simplicité des mœurs ».
La Révolution Française apporte aux citoyens l’égalité politique : un homme, une voix. Chacun a le même poids politique que son voisin, même si son statut social est différent. En revanche, l’égalité économique n’est pas un sujet à l’époque. Ce qui compte, c’est l’égalité devant la loi (l’égalité de condition). Les différences de revenu ou de patrimoine sont secondaires : il n’y a pas égalité de situation.
En effet, les inégalités de richesse sont vues comme naturelles, car les hommes sont naturellement inégaux en intelligence, en force, en talent. Les inégalités économiques ne sont alors que le reflet de ces inégalités naturelles. Ce qui compte, c’est que chacun ait les mêmes chances de départ : l’égalité devant la loi permet à chacun d’accéder à la position sociale qu’il mérite, en fonction de ses talents et de ses aptitudes. Cette façon de penser est très moderne.
Ces inégalités économiques, dont personne ne se préoccupe à la fin du XVIII° siècle, vont considérablement se creuser au XIX° siècle avec la Révolution industrielle, et devenir un sujet central au cours du XIX° siècle, avec l’émergence de la « question sociale ».