Le « bloc » très hétérogène des pays en développement

Les effets de la période coloniale


Après les indépendances politiques, les effets de la période coloniale sur le développement des pays pauvres vont persister longtemps, comme le montrent les travaux récents de la nouvelle histoire économique (encadré 5.1.1.). Ces travaux importants montrent que les petites variations initiales dans les formes de la colonisation génèrent de grands écarts de développement à long terme, même après la colonisation, car les écarts ne se résorbent pas, mais ils ont tendance à s’accroître avec le temps. La mise en place d’institutions économiques et politiques servant prioritairement les intérêts de la métropole et non ceux de la population locale dans certaines colonies d’extraction de ressources naturelles a par exemple empêché le développement d’une perception positive de la légitimité de l’État du consentement à payer l’impôt dans les populations locales. 

Encadré 5.5.1. Les effets de long terme de la colonisation

Même si les puissances coloniales investissent dans l’éducation, la santé et les infrastructures, ces investissements ne sont pas suffisant pour porter le développement des populations colonisées, même après les indépendances (Huillery, 2017). Dans une des études les plus connues sur la question (Acemoglu et al., 2001), des économistes américains ont montré que les colonies comme les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie) qui possédaient un environnement sanitaire favorable pour les Européens ont bénéficié d’institutions politiques et économiques plus favorables au développement (liberté d’entreprendre, démocratie, respect du droit …) parce qu’elles ont été des colonies de peuplement. A contrario, les colonies par ailleurs identiques mais qui possédaient un environnement sanitaire défavorable à l’installation des Européens (comme en Afrique subsaharienne ou en Asie du Sud-Est) ont reçu des institutions politiques et économiques favorisant l’extraction des ressources naturelles et l’exploitation des population locales (inégalité d’accès aux droits économiques et politiques) qui furent néfastes à leur développement de long terme. La durée de la colonisation compte aussi : une colonisation ayant duré un plus grand nombre d’années a induit un développement économique plus important sur le long terme qu’une colonisation plus courte, probablement parce que les effets négatifs de la destruction des institutions politiques et sociales, l’extraction des ressources ou encore l’asservissement de la population n’ont pas le temps d’être compensés par les investissements, les migrants et les biens reçus de la métropole (Feyrer et Sacerdote, 2009). Ceci pourrait expliquer que l’Argentine, le Pérou ou les territoires d’outre-mer français qui furent colonisés pendant très longtemps se trouvent en moyenne aujourd’hui dans une situation économique meilleure que les pays d’Afrique subsaharienne dont les institutions locales furent détruites par une colonisation brutale et courte sans remplacement par des institutions importées favorables au développement. D’autres travaux récents montrent qu’en Afrique de l’ouest, les régions qui ont reçu le plus d’investissements publics d’éducation, de santé et d’infrastructure au début de la période coloniale au début du 20ème siècle ou celles ayant le plus de migrants européens car elles étaient politiquement plus dociles enregistrent aujourd’hui des indices de développement humain supérieurs aux régions qui, pourtant comparables au départ, en ont reçu moins (Huilery, 2009).