Crises de 2008 et 2020, ralentissement des chaines de valeur et la dé-mondialisation
Après presque 30 ans de mondialisation croissante, il semble que l’on puisse observer un ralentissement de la dynamique du commerce mondial après la crise de 2008 et pendant les années 2010. Depuis 2015, en effet, la croissance du commerce international en valeur est redevenue égale à celle du PIB en valeur (2,5%), comme pendant les 30 glorieuses. Partout en Europe, aux Etats-Unis ou en Chine, on a observé une lenteur de la reprise de l’investissement pendant les années 2010.
On a également pu identifier une montée du protectionnisme trouble (« murky protectionism ») en parfaite opposition avec les tendances précédentes puisque près de 600 mesures de protectionnisme déguisé (restriction des aides aux non-nationaux, anti-dumping, réglementations) ont été recensées par an depuis 2008. Enfin, on observe un ralentissement particulièrement marqué dans les secteurs des chaînes de valeurs globalisées puisque la part de la valeur ajoutée d’une exportation qui a été importée qui avait doublé en 30 ans de mondialisation en passant de 15% dans les années 1970 à 30% dans les années 2000 est restée stable depuis 2008 (BM, 2017). Enfin, un mouvement de relocalisation de la production à proximité des marchés européens s’observe depuis le début des années 2010 dans un certain nombre d’industries qui préfèrent désormais augmenter leur capacité de réaction aux changements du marché plutôt que de chercher à tout prix des coûts salariaux plus bas.
La crise du COVID-19 et la désorganisation des approvisionnements qu’ont provoqué les confinements et fermetures de frontière marqueront probablement une étape supplémentaire dans cette volonté des industries européennes et américaines de limiter l’extension géographique des chaînes de valeur. Toutefois, nous n’observons pour l’heure qu’un ralentissement de la mondialisation, sans doute lié à un épuisement des rendements des chaînes de valeurs globales et à une montée de nouveaux risques. Il est cependant excessif de parler de démondialisation comme certains observateurs ont tendance à le faire (Bello, 2002). Toutefois, les défis d’une mondialisation moins instable, moins destructrice de l’environnement et plus juste restent essentiels comme le clamait très récemment Pierre-Noel Giraud (2020).