Les crises de l’émergence économique ou la fragilité financière des pays en développement
L'explication de ces crises
L’origine de ces crises est à rechercher dans le modèle de croissance et
dans la structure du financement des politiques de développement mises
en œuvre par les économies émergentes afin de soutenir et stimuler
l’économie nationale. Les taux d’investissement très élevés qui
soutiennent la croissance « extensive » de nombreux pays émergents sont
en effet essentiellement financés par des capitaux de court terme venant
des marchés internationaux. Les investisseurs sont attirés par les
performances très élevées de croissance économique des pays émergents
tirés à la fois par les exportations et par le dynamisme des marchés
domestiques. Or, les investisseurs internationaux sont également très
sensibles aux risques présentés par ces économies dans lesquelles les
monnaies sont relativement récentes et les banques centrales peu
expérimentées en cas de crise. Dans le doute, ils ont tendance à retirer
très rapidement leurs capitaux dès qu’ils perçoivent sur les
perspectives de croissance d’une économie émergente. Les mécanismes à
l’œuvre, quelle que soit la zone frappée, seront globalement toujours
les mêmes : Fragilité et opacité des perspectives de croissance et de la
crédibilité des politiques économiques + Surévaluation de la monnaie
nationale en raison des afflux d’investissement -> Déséquilibre
commercial extérieur + ralentissement de la croissance -> fuite des
capitaux étrangers -> chute de la monnaie nationale et crise
financière (dettes publique et privé en monnaies étrangères ne peuvent
plus être remboursées) + chute des marchés d’action nationaux (en raison
des ventes massives).
Des journalistes économiques pleins
d’humour, de cynisme et de bon sens à la fois ont baptisé la crise
mexicaine de 1994 « d’onde Tequila ». Or et bien évidemment, au-delà de
la plaisanterie, ce sont les excès et les abus de la finance
internationale mal maîtrisée qu’il s’agit de pointer ici. Les effets en
sont étourdissants et dévastateurs autant que rapides en raison,
notamment, de l’intensité des relations des échanges commerciaux et de
la proximité géographique et culturelle des économies qui sont
concernées dans un monde qui se régionalise depuis la seconde guerre
mondiale. Se met en place un véritable effet de contagion par le
commerce international et par les pertes financières communes, par
lequel un investisseur se dégage d’une position parce que d’autres le
font. Même si c’est en Thaïlande qu’elle s’ouvre en juillet 1997, la
crise s’étend en effet en quelques semaines en Indonésie, en Malaisie
puis aux Philippines (c’est-à-dire à l’ensemble des Tigres) puis en
Corée du Sud, à Singapour, à Hong-Kong et Taïwan (c’est-à-dire cette
fois aux Dragons) où les conditions sont identiques. Enfin, la contagion
gagne la Russie et les Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) dès
1998, la République tchèque est atteinte tout comme la Hongrie, les
capitaux refluent. L’Europe a eu chaud mais déjà une nouvelle vague de
crise se prépare au Brésil où elle éclatera en 1999, puis en Argentine
en 2000.
Après des années de profits élevés dans les économies
émergentes, la « prudence » financière a donc ramené les capitaux
internationaux sur les lieux anciens du capitalisme américain et
européen au début du 21e siècle. Peut-être moins profitables, sûrement
mieux encadrés, ces économies n’en sont pas plus sages ni mieux régulés
pour autant, comme l’attestent les deux crises financières des années
2000 dont l’origine est clairement à trouver dans les excès des systèmes
financiers notamment aux Etats-Unis.